Référence : décret n° 2014-479 du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable
Dans un objectif de protection de l’ordre public et de la sécurité, la loi du 9 décembre 2004 a prévu un régime d’autorisation préalable à certains investissements étrangers, codifié à l’article L. 151-3 du Code monétaire et financier.
Le champ d’application de ce régime a été limité par la loi aux :
« - activités de nature à porter atteinte à l'ordre public, à la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale ;
- activités de recherche, de production ou de commercialisation d'armes, de munitions, de poudres et substances explosives. »
Une liste plus précise de ces activités avait été détaillée par un décret d’application du 2 août 2005.
Au motif de lutter « contre la fraude et l’évasion fiscale », un décret du 14 mai 2014, publié au Journal officiel du 15 mai 2014, a très notablement étendu le champ d’application de ce dispositif, en modifiant les articles R. 153-1 et suivants du Code monétaire et financier.
Il ajoute ainsi à la liste des activités concernées :
non seulement celles relatives à l’« intégrité, sécurité et continuité » de :
- l'approvisionnement en électricité, gaz, hydrocarbures ou autre source énergétique
- l'approvisionnement en eau
- l'exploitation des réseaux et des services de transport
- l'exploitation des réseaux et des services de communications électroniques
- l'exploitation d'un établissement, d'une installation ou d'un ouvrage d'importance vitale au sens des articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du Code de la défense.
mais aussi celles touchant à la « protection de la santé publique ».
Ces nouvelles dispositions ont vocation à s’appliquer indifféremment aux investissements réalisés par des ressortissants (personnes physiques ou morales) de pays tiers mais également aux ressortissants de l’UE, ainsi qu’à toute entreprise française contrôlée par un ressortissant non établi en France.
Cet inventaire peut surprendre. En effet, il dépasse amplement la lettre et l’esprit de la loi, qui a institué ce régime d’autorisation préalable, de sorte que l’on peut s’interroger sur la compétence du pouvoir réglementaire pour étendre ainsi un régime qui touche au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre.
En outre, sa compatibilité avec le droit de l’Union européenne pose question tant au regard de la liberté d’établissement concernant les entreprises ressortissantes de l’UE que de la liberté de circulation des capitaux pour ce qui est des ressortissants de pays tiers, puisque ce dernier principe leur est applicable.
Or, les enjeux en présence sont importants, pour deux raisons.
Tout d’abord, la loi prévoit la nullité des accords conclus en violation de ces dispositions.
Ensuite, les sanctions encourues par les investisseurs étrangers qui concluraient une opération sans y avoir été préalablement autorisés sont très significatives. En effet, le Gouvernement peut enjoindre aux investisseurs de modifier les conditions de leur opération, ou de rétablir à leurs frais la situation antérieure. En cas de non-respect de ces injonctions, une sanction pécuniaire dont le montant peut atteindre le double de l’investissement irrégulier peut être appliquée.
Enfin, le décret est d’application immédiate : toutes les opérations envisagées mais également celles actuellement en cours et non définitivement réalisées dans un des domaines listés par le décret tombent donc sous le coup de cette autorisation.
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