Loi « Macron » : mesures phares pour les sociétés | Flash info Corporate / Banque & Finance

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Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite loi « Macron » : mesures phares pour les sociétés

Après sept mois de débats parlementaires, le projet de loi pour la croissance, l’activité et l'égalité des chances économiques, ou projet de loi "Macron", a définitivement été adopté le 10 juillet 2015, aucune motion de censure n'ayant été déposée.

Comme attendu, le Gouvernement a, à nouveau, fait usage de l’article 49-3 de la Constitution pour faire adopter, sans vote et en lecture définitive, le controversé projet de loi.

Le Conseil constitutionnel a été saisi de ce texte le 15 juillet 2015, étant précisé que la saisine ne porte pas sur les aspects étudiés ci-après.

Il faudra toutefois attendre quelques semaines encore, une fois l’examen du Conseil constitutionnel terminé, pour que ladite loi soit promulguée.

Une partie des mesures s’appliqueront immédiatement et pour d’autres, il faudra attendre la publication des décrets d'application.

Vous trouverez ci-dessous les principales mesures concernant le droit des sociétés et le droit bancaire et financier :

I. Modifications apportées à la loi Hamon (information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise)

Pour mémoire, la loi sur l'économie sociale et solidaire dite loi Hamon du 31 juillet 2014 a instauré l'obligation d'informer les salariés pour toute cession de leur entreprise à l’effet de faciliter la reprise de ladite société par ses salariés.

Sont concernées par le dispositif (i) les cessions de fonds de commerce et (ii) les cessions de parts de SARL ou d'actions (SA, SAS, SCA) à condition que :

► la société ne soit pas tenue d'avoir un comité d'entreprise (moins de 50 salariés) ou, si elle est tenue d'avoir un comité d'entreprise (au moins 50 salariés), elle occupait à la clôture du dernier exercice moins de 250 personnes et son chiffre d'affaires n'excédait pas 50 millions d'euros ou son total de bilan n'excédait pas 43 millions d'euros ;

► pour les cessions de droits sociaux, la cession porte sur plus de 50% des parts sociales dans les SARL et dans les sociétés par actions, elle porte sur des actions ou des valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital social.

L’article 204 de la loi Macron modifie comme suit certaines dispositions de la loi Hamon :

  • Restriction du champ d’application de la loi Hamon : La loi remplace tout d’abord le terme de « cession » d’entreprise par celui de « vente », l’objectif étant de limiter le droit d’information préalable des salariés à cette seule hypothèse et non à tous les cas de transfert de propriété que recouvre la cession (apport, donation, échange, etc.). En revanche, les ventes intra-groupes semblent toujours soumises à cette obligation.
  • Modification de la sanction encourue en cas de non-respect de l'obligation d'information des salariés : Lorsque les chefs d'entreprises ne respectent pas leurs obligations d'information, la sanction de la nullité de la cession est supprimée. Cette sanction est remplacée par un mécanisme d'amende civile, dont le montant ne peut excéder 2% du montant de la vente ;
  • Allègement des modalités d’information : Lorsque l’information est faite par LRAR, le délai commencera à courir à compter de la date de la première présentation de la lettre (et non celle de sa remise effective) ;
  • Dérogation en cas d’information générale des salariés dans les douze mois précédant la vente : Les chefs d'entreprises seront désormais exonérés de l'obligation d'information des salariés si, au cours des douze mois qui précèdent la vente, celle-ci a déjà fait l’objet d’une information en application de l’article 18 de la loi Hamon. Pour mémoire, l’article 18 de la loi Hamon introduit une obligation d’information générale des salariés portant sur les modalités de reprise par eux-mêmes de leur entreprise. Cette information doit intervenir au moins une fois tous les trois ans dans toutes les sociétés commerciales de moins de 250 salariés.

A noter que la loi Macron n’a pas raccourci le délai d’information des salariés des entreprises de moins de 50 salariés, i.e. ces derniers doivent être informés du projet de vente au plus tard deux mois avant la vente.

Ces dispositions entreront en vigueur à une date fixée par décret, au plus tard dans les six mois après la promulgation de la présente loi.

II. Rémunérations alternatives

(A) Les actions gratuites

Le dispositif d'attribution d'actions gratuites1 permet, sous certaines conditions, de procéder, au profit des salariés et des mandataires sociaux des sociétés par actions, à une attribution gratuite d'actions (AGA).

En l’état du droit jusqu’alors en vigueur, les bénéficiaires acquerraient la propriété des actions gratuites au terme d’un délai minimal de deux ans courant à compter de leur attribution (période dite « d’acquisition »), si les conditions éventuellement fixées par le plan (présence dans l’entreprise, performances, etc.) étaient remplies. A l’issue de cette période d’acquisition, les bénéficiaires d’AGA devaient conserver les actions acquises gratuitement au moins deux ans avant de les céder (période dite « de conservation »), soit une durée cumulée minimum de quatre ans.

L’article 135 de la loi Macron vise à assouplir les conditions d’AGA et à mettre en place un régime fiscal et social plus favorable comme suit :

  • Assouplissement du régime juridique : la période d’acquisition des actions attribuées gratuitement est réduite à un an minimum (au lieu de deux ans) et la durée cumulée de la période d’acquisition et de conservation est ramenée de quatre à deux ans minimum.

Par ailleurs, pour rappel, l'assemblée générale extraordinaire fixe le pourcentage maximal du capital social pouvant être attribué. Le nombre total des actions attribuées gratuitement ne peut excéder 10% du capital social (ou 15% pour les sociétés non cotées et n’excédant pas les seuils de la définition européenne de PME) à la date de la décision de leur attribution par le conseil d'administration ou le directoire. Ce pourcentage est porté à 30% lorsque l'AGA bénéficie à l'ensemble des membres du personnel salarié de la société.

La loi Macron apporte une modification quant au ratio de l’écart maximum d’actions attribuées aux salariés : l’écart entre le nombre d’actions attribuées à chaque salarié de l’entreprise, qui ne pouvait être supérieur à un rapport de un à cinq, est supprimé, sauf lorsque le plan porte sur plus de 10% du capital social (ou 15% pour les sociétés non cotées et n’excédant pas les seuils de la définition européenne de PME).

  • Régime fiscal plus favorable : Pour mémoire, le gain d'acquisition est imposable au titre de l'année de l’attribution définitive des actions gratuites (i.e. à l’issue de la période dite d’acquisition) et correspond à la valeur desdites actions à leur date d'attribution définitive. Les gains d’acquisition sont désormais imposés selon les modalités applicables aux plus-values mobilières (et non plus dans la catégorie des traitements et salaires). Ils bénéficient donc des abattements pour durée de détention applicables aux plus-values, courant à compter de la date d’acquisition définitive des actions (50% en cas de détention depuis au moins 2 ans et moins de 8 ans, 65% en cas de détention depuis au moins 8 ans).

A noter cependant que les gains d’acquisition sont désormais soumis aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine (et non plus sur les revenus d’activité) dont le taux est plus élevé et fixé à 15,5% (contre 8% pour l’ancien régime).

  • Régime social plus favorable : La contribution salariale spécifique de 10% est supprimée, tandis que le taux de la contribution patronale est abaissé à 20% (au lieu de 30%). Un régime dérogatoire plus incitatif est également prévu pour les « PME européennes »2. Ainsi, la contribution patronale ne s’applique pas aux AGA lorsqu’elles sont décidées par des PME qui n’ont procédé à aucune distribution de dividendes depuis leur création, dans la limite, par bénéficiaire, d’une fois le plafond de la sécurité sociale (soit 38.040 euros en 2015). Cette limite s’apprécie en faisant masse des actions gratuites dont l’acquisition est intervenue pendant l’année en cours et les trois années précédentes. L’ensemble de ces conditions s’apprécie à la date de la décision d’attribution.

La contribution patronale devient exigible seulement dans le mois de la date d’acquisition effective (et non plus dans le mois de la décision d’attribution) et s’applique sur la valeur des actions à cette date. Il en résulte, en particulier, que la contribution n'est plus exigible à défaut d'attribution.

L’ensemble de ces modifications s’appliquent aux actions gratuites dont l’attribution a été autorisée par une décision de l’assemblée générale extraordinaire postérieure à la publication de la loi Macron.

(B) Les BSPCE

Le dispositif des BSPCE3 permet aux jeunes entreprises d'intéresser à leur capital leurs salariés ainsi que leurs dirigeants par l'attribution de bons incessibles donnant droit de souscrire des titres représentatifs du capital de leur entreprise à un prix fixé au jour de leur attribution.

En l’état du droit jusqu’alors en vigueur, les BSPCE ne pouvaient être attribués que par des sociétés non cotées ou, cotées en Bourse mais à condition que leur capitalisation boursière soit inférieure à 150 millions d'euros, créées depuis moins de 15 ans et qui n’étaient pas issues d’opérations de concentration, restructuration, d'extension ou de reprise d'activités préexistantes. Par ailleurs, une société ne pouvait attribuer des BSPCE ni aux salariés ni aux dirigeants de ses filiales.

L’article 141 de la loi Macron assouplit certaines conditions d’attribution des BSPCE comme suit, qui permettent aux start-ups et autres jeunes entreprises innovantes d’attirer des talents en leur proposant un droit d’accès aux titres de l’entreprise à des conditions sociales et fiscales attractives :

  • Elargissement du champ d’application du dispositif aux sociétés issues d’une restructuration : Une société créée dans le cadre d’une opération de concentration, de restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes peut désormais émettre des BSPCE, sous réserve toutefois que toutes les sociétés ayant pris part à l’opération répondent aux conditions prévues pour bénéficier du dispositif (être une société par actions ; être une société de moins de quinze ans ; être une société non cotée ou de petite capitalisation boursière ; être passible de l’impôt sur les sociétés en France ; être une société détenue directement et de manière continue depuis sa création par des personnes physiques pour 25% au moins ou par des personnes morales elles-mêmes directement détenues pour 75% au moins de leur capital par des personnes physiques).

En pareille hypothèse, le respect de la condition tenant à la capitalisation boursière est apprécié en faisant masse de la capitalisation de l’ensemble des sociétés issues de l’opération et le respect de la condition relative à sa date de création s’apprécie en tenant compte de la date d’immatriculation de la plus ancienne des sociétés ayant pris part à l’opération.

  • Elargissement du champ d’application du dispositif aux filiales : Les sociétés mères peuvent désormais attribuer des BSPCE aux salariés et dirigeants de filiales dont elles détiennent 75% du capital et des droits de vote, sous réserve toutefois que toutes les sociétés ayant pris part à l’opération répondent aux conditions susvisées prévues pour bénéficier du dispositif (à l’exception toutefois de la condition liée au pourcentage de détention par des personnes physiques).

Dans l’hypothèse où une société attribue des BSPCE aux salariés et aux dirigeants d’une filiale, le respect de la condition tenant à la capitalisation boursière est apprécié en faisant masse de la capitalisation de la société mère attributrice et de celle des filiales dont le personnel a bénéficié de l’attribution des BSPCE au cours des douze derniers mois.

L’ensemble de ces modifications s’appliquent aux BSPCE attribués à compter de la publication de la loi Macron.

Par ailleurs, l’article 141 de la loi Macron confirme la non-déductibilité de la CSG afférente aux plus-values à long terme et aux gains réalisés lors de la cession des titres souscrits en exercice des BSPCE, ce qui s'explique par la taxation des gains à un taux forfaitaire (19 %) pour l'impôt sur le revenu.

(C) Les retraites

(i) nouvelles modalités incitatives pour le PERCO

Le plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco) est un dispositif qui permet au salarié de se constituer une épargne, accessible au moment de la retraite sous forme de rente ou, si l'accord collectif le prévoit, sous forme de capital.

L'article 151 de la loi Macron instaure une nouvelle forme de Perco (aussi appelé « Perco plus »).

En premier lieu, il est instauré un taux de forfait social (i.e. une cotisation patronale) réduit de 16% (au lieu de 20%) pour les Perco dont au moins 7% des titres sont susceptibles d'être employés dans un plan d'épargne en actions (PEA) destiné au financement des PME et des ETI.

Les sommes recueillies sur le Perco doivent provenir de dispositifs d’épargne salariale (intéressement, participation, plans d'épargne d'entreprise ou interentreprises ou Perco) et doivent remplir deux conditions cumulatives, inscrites dans le règlement du Perco :

► être affectées par défaut à un placement permettant de réduire progressivement les risques financiers ;

► servir à l'acquisition de parts de fonds, dans des conditions fixées par décret, comportant au moins 7% de titres susceptibles d'être employés dans un plan d'épargne en actions destiné au financement des PME et ETI.

Par ailleurs, en l’état du droit jusqu’alors en vigueur, les fonds souscrits dans le cadre d'un Perco ne pouvaient détenir, pour des raisons de liquidité, plus de 5% de titres non cotés, ou plus de 5% de titres de l'entreprise qui a mis en place le Perco. La loi Macron porte ces deux taux à 10%.

(ii) retraites-chapeau

Le régime des retraites-chapeau s'ajoute aux régimes de retraites obligatoires de base (Cnav) ou complémentaire (Agirc et Arrco).

L’article 229 de la loi Macron apporte les modifications suivantes au régime des retraites-chapeau :

  • Application du régime des conventions réglementées : Les engagements de retraite pris par une société cotée au bénéfice d'un salarié qui est nommé président, directeur général, directeur général délégué, membre du directoire ou directeur général unique doivent être soumis au régime des conventions réglementées.
  • Conditionnement de l’octroi des retraites-chapeau au respect de conditions de performance du bénéficiaire et plafonnement de l’accroissement des droits acquis : L'octroi des retraites-chapeau est subordonné au respect de conditions de performance du bénéficiaire, appréciées au regard de celles de l’entreprise. Le conseil d’administration ou le conseil de surveillance vérifie chaque année le respect desdites conditions et détermine l’augmentation des droits conditionnels, dans la limite d’un plafond de 3% de la rémunération annuelle servant de référence au calcul de la rente versée.

Ces règles encadrant les retraites-chapeau sont applicables aux engagements de retraite-chapeau pris par une entreprise à compter de la publication de la présente loi au bénéfice d’un président, d’un directeur général, d’un directeur général délégué ou d’un membre du directoire. Ces dispositions sont également applicables aux personnes occupant ces mêmes fonctions et qui ont été nommées ou renouvelées après la publication de la présente loi, à compter de leur nomination ou du renouvellement.

  • Renforcement de l’information des actionnaires sur les retraites-chapeau : Enfin, la loi prévoit que le rapport du conseil d'administration ou du directoire, selon le cas, à l'assemblée générale des actionnaires, doit faire mention des « engagements de retraite et autres avantages viagers ».

En l'état du droit, ce rapport doit déjà mentionner la rémunération totale et les avantages de toute nature versés, durant l'exercice, à chaque mandataire social, ainsi que, notamment, « les engagements de toutes natures, pris par la société au bénéfice de ses mandataires sociaux, correspondant à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la prise, de la cessation ou du changement de ces fonctions ou postérieurement à celles-ci ».

Cependant, il est précisé que le rapport doit « expliciter les modalités précises de détermination de ces engagements ainsi que, pour chaque mandataire social, une estimation du montant des rentes qui seraient potentiellement versées au titre de ces engagements et des charges afférentes », alors qu'actuellement il doit seulement « préciser les modalités de détermination de ces engagements ». Il s’agit donc de renforcer l'information des actionnaires sur les règles de calcul des avantages de toutes natures attribués aux mandataires sociaux, et surtout sur ce que représente financièrement pour la société, pour chaque mandataire de façon individuelle, le montant de ces retraites-chapeau.

Cette nouvelle règle est applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2015.

III. Règles relatives au cumul de mandats sociaux

L’article L. 225-94-1 du Code de commerce encadre le nombre de mandats sociaux qu’une personne peut cumuler. Une même personne aujourd’hui ne peut cumuler plus de cinq mandats de directeur général, de membre du directoire, de directeur général unique, d’administrateur ou de membre du conseil de surveillance de sociétés anonymes. Les mandats exercés dans des sociétés contrôlées (cotées ou non) ne sont pas pris en compte.

L’article 211 de la loi Macron a apporté les modifications suivantes aux règles de cumul des mandats sociaux :

  • Limitation du nombre de mandats sociaux cumulables exercés au sein de sociétés cotées : Désormais, un directeur général, un membre du directoire ou un directeur général unique d'une SA cotée ne pourra exercer, outre son mandat exécutif, que deux mandats d'administrateur ou de membre du conseil de surveillance dans des sociétés cotées extérieures au groupe. Cette règle est applicable à condition que la société cotée dans laquelle est exercé le mandat exécutif de directeur général, membre du directoire ou de directeur général unique comporte :

► au moins 5.000 salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français ; ou

► au moins 10.000 salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l’étranger.

Cette modification met la loi en adéquation avec les recommandations du code de gouvernance Afep-Medef.

  • Dérogation supplémentaire au principe de limitation du nombre de mandats concernant les mandats exercés dans une holding passive : Le texte adopte une dérogation supplémentaire au principe de limitation du nombre de mandats : pour le calcul du nombre de mandats sociaux, sont écartés les mandats d’administrateur ou de membre du conseil de surveillance exercés par le directeur général, les membres du directoire ou le directeur général unique de sociétés « dont l’activité principale est d’acquérir et de gérer des participations, au sens de l’article L. 233 2 du code de commerce » dans les sociétés qui constituent des participations. Les directeurs généraux, membres du directoire et directeurs généraux uniques disposent d’un délai d’un an à compter de la date de publication de la présente loi pour se mettre en conformité avec ces dispositions. À défaut, ils sont réputés démissionnaires de tous leurs mandats.

IV. Procédure collective et entrée au capital de nouveaux associés imposée par le Tribunal de commerce

L’article 238 de la loi Macron ouvre la faculté au Tribunal de commerce d’imposer, dans des conditions strictement encadrées par le Code de commerce, la réalisation d’une augmentation de capital ou une cession forcée à l’égard d’associés majoritaires d’une société en redressement judiciaire qui, préférant une liquidation judiciaire, refuseraient d’ouvrir le capital de ladite société à des créanciers souhaitant réinjecter de l'argent afin de poursuivre l'activité.

Hormis le cas de la cession forcée des titres de l’associé dirigeant que le tribunal peut actuellement ordonner à la demande du ministère public lorsque le redressement de l’entreprise le requiert, le Code de commerce n’envisageait la cession des droits sociaux d’une société en redressement judiciaire que de manière consensuelle.

De même, lorsque le projet de plan de redressement prévoyait une modification du capital nécessaire à la réorganisation de l’entreprise, le Code de commerce soumettait la modification du capital au vote favorable des assemblées des associés compétentes.

  • Modalités juridiques de l’augmentation de capital ou de la cession forcée : Dans l’hypothèse où le plan de redressement prévoit une modification du capital social et où les associés en place refusent de voter en faveur de ladite modification, le tribunal peut, à la demande de l’administrateur ou du ministère public, et à l’issue d’un délai de trois mois après le jugement d’ouverture :

désigner un mandataire pour voter l’augmentation de capital au bénéfice des tiers s'engageant à exécuter le plan à la place des associés concernés ; lorsque l’augmentation de capital est votée, sa réalisation doit intervenir dans un délai maximal de trente jours ;

ordonner la cession forcée de tout ou partie des titres détenus par les associés opposants au profit de tiers qui se sont engagés à exécuter le plan. Les autres associés disposent alors d’un droit de retrait de la société et peuvent demander simultanément le rachat de leurs droits sociaux par les cessionnaires. En l’absence d’accord sur le prix des titres, celui-ci est déterminé à dire d’expert. A noter que le recours à l’expert n’est pas prévu en cas d’augmentation de capital.

  • Conditionnement au respect de certaines conditions : Ce mécanisme est soumis à de strictes conditions permettant de justifier l’atteinte au droit de propriété des associés, et principalement :

► condition en termes de trouble à l’économie et de préservation de l’emploi (société concernée ayant un effectif d’au moins 150 salariés dont la disparition serait de nature à causer un trouble grave à l’économie et au bassin de l’emploi) ;

► le tribunal statue en présence du ministère public et après avoir entendu les associés concernés, les associés dirigeants, les créanciers ou tiers repreneurs et les représentants du comité d’entreprise ou les délégués du personnel ;

► la décision du tribunal est subordonnée (i) à l’engagement des souscripteurs ou cessionnaires de conserver les titres un certain délai et (ii) au paiement comptant des titres ;

► un commissaire à l’exécution vérifie le respect des engagements des souscripteurs ou cessionnaires au cours de l’exécution du plan ; le non-respect de ces engagements peut entraîner la résolution du plan et outre les dommages et intérêts susceptibles d’être imposés aux repreneurs défaillants, le prix payé reste acquis.

Ces dispositions sont applicables aux procédures de redressement judiciaire ouvertes à compter de la publication de la présente loi.

V. Aménagement de la possibilité de prêt entre deux entreprises pour répondre à des besoins de trésorerie

Le nouveau dispositif institué par l’article 167 de la loi Macron autorise les sociétés par actions et les SARL à accorder des prêts de moins de deux ans à d'autres entreprises (micro-entreprises, PME ou ETI) avec lesquelles elles entretiennent des liens économiques le justifiant (en pratique, donneurs d'ordre / sous-traitants).

Par cette nouvelle liberté, il s’agit de répondre à une nécessité d’enrichir la palette des moyens de financement à court terme à disposition des entreprises de taille modeste, en complément du système bancaire. Le crédit fournisseur classiquement utilisé dans les relations commerciales se révèle en effet souvent insuffisant pour permettre à un sous-traitant ou à un partenaire économique de surmonter des difficultés temporaires de trésorerie.

En conséquence, un nouveau cas de dérogation au monopole bancaire d'octroi des crédits est introduit (article L. 511-6, 3 bis du Code monétaire et financier modifié).

Un formalisme protecteur est également prévu puisque qu’une convention de prêt devra être conclue entre les deux parties et être soumise au régime des conventions réglementées pour la société prêteuse.

Des décrets en Conseil d’Etat viendront fixer les conditions et les limites d’octroi de ces prêts ainsi que les mentions à figurer dans le rapport de gestion et dans l’attestation du commissaire aux comptes à établir. L'activité de prêt d'une entreprise doit en effet rester accessoire par rapport à son activité principale et ces dispositions réglementaires viseront également à éviter toute stipulation léonine qui placerait le partenaire-emprunteur en situation de dépendance économique.
Des précautions expresses sont enfin introduites pour éviter tout contournement de la législation sur les délais de paiement.

VI. Création d’un nouveau véhicule de capital investissement (SLP) et attractivité des OPCI renforcée

(A) La société de libre partenariat (SLP)

Malgré la mise en œuvre par l’ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 20134 de mesures destinées à améliorer l’attractivité de la place financière de Paris, la gamme des fonds d’investissement français n’intègre toujours pas de véhicule équivalent aux limited partnership anglo-saxons, à l’inverse d’autres pays européens.

L’article 145 de la loi Macron vise ainsi à créer et fixer une nouvelle forme de fonds professionnel spécialisé : la société de libre partenariat (SLP).

  • Régime juridique de la SLP : La SLP est envisagée comme une forme particulière de société en commandite simple (SCS) entrant dans le champ des fonds professionnels spécialisés (FPS) de l’article L. 214-154 du Code monétaire et financier, la catégorie la plus souple des fonds d’investissements alternatifs (FIA) par nature de l’article L. 214-24-II du Code monétaire et financier. Ainsi, que la gestion du portefeuille d'actifs de la SLP soit effectuée en interne par son gérant (véhicule autogéré) ou déléguée de façon globale ou partielle, à une société de gestion de portefeuille agréée et régulée, la SLP est tenue de désigner un dépositaire comme tous les autres FIA par nature. Cette double nature de la SLP (SCS et FIA) en fait un objet juridique unique.

Au même titre que la SCS, la SLP est composée de deux groupes d'associés :

► les commandités, commerçants, personnellement et solidairement responsables de tout le passif social ;

► les commanditaires, qui ne sont pas commerçants et ne sont responsables des dettes sociales que dans la limite de leurs apports.

  • Particularités par rapport à la SCS : La SLP se distingue de la SCS sur certains points afin de tenir compte de sa nature de véhicule d'investissement réglementé :

► les parts de la SLP des associés commanditaires sont des titres financiers négociables tandis que les parts des associés commandités ne sont pas négociables ;

► la gestion de la SLP peut être déléguée par le gérant à une société de gestion de portefeuille ou à un gestionnaire agréé confor mément à la directive AIFM ;

► le gérant ou la société de gestion d'une SLP pourrait détenir des parts de commanditaire sans que son implication dans la gestion de la société soit de nature à remettre en cause sa responsabilité limitée ;

► une dérogation au principe d'unicité du patrimoine de la société et aux dispositions de l'article 2285 du Code civil (la SLP peut comporter un ou plusieurs compartiments si ses statuts le prévoient et, sauf stipulation contraire de ses statuts, les actifs d'un compartiment déterminé ne répondent que des dettes, engagements et obligations et ne bénéficient que des créances qui concernent ce compartiment).

  • Régime fiscal de la SLP : En définitive et contrairement à ce qui avait été adopté par l’Assemblée nationale, la SLP ne relève pas du régime de la transparence fiscale. En conséquence, la personnalité de la SLP est bien distincte de celles de ses membres. Pour l’imposition de ses bénéfices, la SLP est assimilée à un fonds professionnel de capital investissement (FPCI) constitué sous la forme d’un fonds commun de placement. La SLP est ainsi soumise aux mêmes obligations déclaratives que ces fonds.

(B) Extension de l’objet social des OPCI

L’article 139 de la loi Macron complète les dispositions relatives à l’objet social des OPCI afin de leur permettre d’assurer le financement de locaux meublés, en particulier des résidences pour étudiants ou des résidences pour personnes âgées.

Plus précisément, il leur sera désormais possible d'acquérir, à titre accessoire et en vue de leur location, des meubles meublants, des biens d'équipement ou tous biens meubles affectés aux immeubles détenus et nécessaires au fonctionnement, à usage ou à l’exploitation de ces derniers par un tiers (article L. 214-34 du Code monétaire et financier modifié).

Les dispositions définissant la composition de l'actif des OPCI, qui pourra ainsi comporter, directement ou indirectement, ces meubles, et celles fixant le calcul du résultat des OPCI intégrant, le cas échéant, le produit généré par la location de biens meublés sont modifiées en conséquence (articles L. 214-36 et L. 214-51 du même Code modifiés).

Il convient de préciser que cet élargissement de l’objet social des OPCI n’autorisera toutefois pas les OPCI à devenir exploitant de ces résidences, lesquelles devront être données en location à un tiers exploitant.

VII. Bons de caisse dans le cadre du financement participatif

L’article 168 de la loi Macron habilite le Gouvernement dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi Macron à réformer le régime juridique des bons de caisse et à adapter le droit afin de permettre l'intermédiation des bons de caisse par des plateformes de financement participatif.

Le régime de ces titres, actuellement exclus de la qualification d’instruments financiers, doit ainsi être revu afin de sécuriser juridiquement les opérations conduites sur ces plateformes de crowdfunding entre des entreprises emprunteuses et des particuliers prêteurs.

VIII. Gage de meubles et gage des stocks

En application de l’article 240 de la loi Macron, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans le délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, les mesures de rapprochement du régime du gage des stocks avec le régime de droit commun du gage de meubles corporels et rendre possible le pacte commissoire et le gage avec ou sans dépossession.

L'objectif de l'habilitation vise à contrer la jurisprudence restrictive de la Cour de cassation (Cass. com. du 19 février 2013 n° 11-21763) et à permettre le recours au pacte commissoire et la dépossession dans le régime du gage des stocks du Code de commerce. En rapprochant celui-ci du régime de droit commun du Code civil, le financement des entreprises par le mécanisme du gage des stocks, y compris dans le cadre des procédures collectives, qui constitue le second volet de l'habilitation, devrait s’en trouver facilité.

1 Dispositif mis en place par l'article 83 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.

2 PME qui répondent à la définition des petites et moyennes entreprises donnée à l’annexe de la recommandation 2003/361/CE de la Commission, du 6 mai 2003, concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises, i.e. PME qui, à la clôture du dernier exercice, occupait moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires n'excédait pas 50 millions d'euros ou dont le total de bilan n'excédait pas 43 millions d'euros.

3 Dispositif introduit par l'article 76 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998 et codifié à l'article 163 bis G du Code général des impôts.

4 Ordonnance prise en transposition de la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011, dite AIFM.