Actualités Droit Social | Novembre 2015

France

Actualité législative et réglementaire

"Liste noire" des entreprises coupables de travail illégal

Un décret du 21 octobre 2015 précise les modalités d’application de la loi contre la concurrence sociale déloyale du 10 juillet 2014 qui permet au juge pénal de faire figurer, à titre de peine complémentaire, les personnes physiques ou morales condamnées pour travail illégal sur une "liste noire" accessible sur Internet. Ces dispositions sont entrées en vigueur à compter du 24 octobre 2015.

La "liste noire" concerne toute personne physique ou morale ayant été définitivement condamnée à une amende pour l’une des 4 infractions suivantes : travail dissimulé, marchandage, prêt illicite de main d’œuvre, emploi d’étrangers sans titre de travail.

Cette sanction n’est ni automatique, ni définitive : il s’agit d’une peine complémentaire laissée à l’appréciation du juge et pour une durée qui ne peut pas excéder 2 ans.

La diffusion de la "liste noire" est assurée par les services du Ministère du travail sur une rubrique dédiée de leur site internet. La liste est consultable librement et gratuitement. Il est néanmoins interdit de la reproduire sur un autre site ou sur tout support électronique. De plus, les données issues de la liste ne peuvent pas être indexées ou référencées par les moteurs de recherche sur internet.

(Décret n° 2015-1327 du 21 octobre 2015 relatif à la diffusion sur un site internet de condamnations prononcées pour travail illégal)

Stagiaires en entreprise

Le décret n° 2015-1359 du 26 octobre 2015 sur l’encadrement du recours aux stagiaires prévoit que le nombre de stagiaires dont la convention de stage est en cours pendant une même semaine civile dans un organisme d’accueil d’au moins 20 salariés ne peut en principe excéder 15 % de l’effectif. Ce maximum est de 3 stagiaires dans les organismes d’accueil dont l’effectif est inférieur à 20 salariés.

Ce texte entre en vigueur le lendemain de sa publication au journal officiel, soit le 29 octobre 2015. Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent qu’aux conventions conclues postérieurement à cette date.

Le texte détermine également le nombre maximum de stagiaires par tuteur ainsi que les modalités de fixation du montant de l’amende administrative par le Direccte en cas d’infraction.

(Décret n° 2015-1359 du 26 octobre 2015 relatif à l'encadrement du recours aux stagiaires par les organismes d'accueil)

Echéancier de mise en application de la loi "Rebsamen"

Le gouvernement a diffusé en ligne le calendrier prévisionnel des décrets d’application de la loi sur le dialogue social du 17 août 2015. La parution des textes concernant la délégation unique du personnel et le regroupement par accord des institutions représentatives du personnel est prévue en décembre 2015. En revanche, les décrets concernant les commissions paritaires régionales ne sont envisagés qu’en mars 2016. Les décrets sur la pénibilité sont annoncés en octobre et novembre et ceux sur la prime d’activité en novembre.

(Echéancier de mise en application de la loi Rebsamen)

Fermeture d’établissement et obligation de rechercher un repreneur

Lorsqu’une entreprise ou un groupe - au sens retenu pour le comité de groupe ou le comité d'entreprise européen - d’au moins 1 000 salariés envisage la fermeture d’un établissement ayant pour conséquence la mise en œuvre d’un licenciement collectif pour motif économique, il doit rechercher un repreneur (C. trav. art. L. 1233-57-9).

Le décret d’application de la loi « Florange », qui impose aux grandes entreprises envisageant de fermer un établissement de rechercher un repreneur, a été publié. Il précise notamment le champ d’application et les modalités de cette recherche.

Il définit la fermeture d’établissement et le licenciement collectif. Ainsi, est un établissement toute entité économique assujettie à l’obligation de constituer un comité d’établissement.

De plus, constituent une fermeture, lorsqu'ils ont pour conséquence la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi accompagnant un projet de licenciement économique au niveau de l’établissement ou de l’entreprise :

  • la cessation complète d’activité d’un établissement ;
  • la fusion de plusieurs établissements en dehors de la zone d’emploi où ils étaient implantés;
  • le transfert d’un établissement en dehors de sa zone d’emploi.

(Décret n° 2015-1378 du 30 octobre 2015 relatif à l'obligation de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d'un établissement)

Actualité jurisprudentielle

Rupture conventionnelle, rétractation et prise d'acte de la rupture

Dans un arrêt en date du 6 octobre 2015, la Cour de cassation apporte deux précisions sur la rupture conventionnelle homologuée du contrat de travail, la première sur les modalités d’exercice du droit de rétractation, la seconde sur l’articulation entre la rupture conventionnelle et la prise d’acte de la rupture du contrat.

Les parties avaient signé une convention de rupture le 6 juin 2009, prévoyant une fin de contrat le 16 juillet, le délai de rétractation prenant fin le 22 juin. Le salarié, par l’intermédiaire de son avocat, avait exercé son droit de rétractation en adressant un courrier en ce sens à l’Administration et non à l’employeur. Le 2 juillet, par courrier adressé à l’employeur, le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail. Le 13 juillet, la rupture conventionnelle est homologuée.

La Cour de cassation rappelle tout d’abord que selon l’article L. 1237-13 du Code du travail, le droit de rétractation dont dispose chacune des parties à la convention de rupture doit être exercé par l'envoi à l'autre partie d'une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception.

Elle en déduit que dès lors que la lettre ayant été adressée, non à l'autre partie signataire de la rupture conventionnelle, mais à l'Administration, la rétractation n’était pas valide.

Elle restreint ensuite la possibilité pour le salarié ayant signé une rupture conventionnelle de prendre acte de la rupture de son contrat après le délai de rétractation, en considérant « qu'un salarié ne peut prendre acte de la rupture du contrat de travail, entre la date d'expiration du délai de rétractation et la date d'effet prévue de la rupture conventionnelle, que pour des manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période ».

(Cass. soc. 6 octobre 2015 n°14-17.539)

Faute lourde : notion d'intention de nuire

La Cour de cassation précise la notion d’intention de nuire dans deux arrêts du 22 octobre 2015.

Dans la première affaire, un salarié, responsable import-export, avait détourné sur son compte personnel une somme de 60 000 euros venant en règlement partiel, par un client, d'une facture correspondant à la livraison d'une commande de vins. Il avait reconnu avoir sollicité cette somme auprès du client et l’avoir perçue et n’avait pas démontré qu’il s’agissait d’un prêt personnel ni qu’il en avait informé l’employeur. Il n'apportait aucune preuve contraire de ce qui, selon les juges, constituait un abus de confiance au préjudice de son employeur et une tentative d'enrichissement personnel au détriment de la société. Selon les juges du fond, il avait donc manifestement commis une "faute grave avec intention de nuire à l’employeur".

Dans la seconde affaire, un salarié, directeur d’établissement, s’était fait octroyer une augmentation de sa rémunération et de son coefficient ainsi qu'une prime exceptionnelle de 3 000 euros. Il s’était également accordé des acomptes sur salaires de 15 000 euros sans prévoir les modalités de remboursement. Il avait également fait bénéficier d'avantages anormaux deux salariés, dont sa sœur qu'il avait engagée. Ces dérives financières, qui avaient gravement préjudicié à l’association sur le plan financier, caractérisaient aussi, selon les juges du fond, une intention de nuire du salarié.

La Cour de cassation rejette ces deux raisonnements en rappelant que "La faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise".

(Cass. soc. 22 octobre 2015 n°14-11.291)
(Cass. soc. 22 octobre 2015 n°14-11.801)

Représentativité

Si un syndical veut être reconnu représentatif et désigner un délégué syndical, il doit obtenir, conformément aux dispositions de l’article L. 2122-1 du Code du travail, 10% des suffrages exprimés par les salariés au premier tour des élections du Comité d’entreprise, ou à défaut des délégués du personnel.

La Cour de cassation précise, dans un arrêt en date du 15 octobre 2015, qu’il n’y a pas lieu d’arrondir le résultat de 9,98% obtenu par une organisation syndicale, cette dernière n’étant donc pas représentative dans l’entreprise.

(Cass. soc. 15 octobre 2015 n°14-25.375)

Critères d’ordre des licenciements pour motif économique

En cas de licenciement pour motif économique, les critères d’ordre des licenciements sont normalement mis en œuvre au niveau de l’entreprise. La Cour de cassation admet toutefois qu’un accord collectif signé au niveau de l’entreprise ou à un niveau supérieur retienne un périmètre inférieur à l’entreprise.

La haute juridiction décide à cet égard, dans un arrêt du 14 octobre 2015, qu’un accord définissant, pour l’application de ces critères, le périmètre "de l’agence, du bureau ou du site technique, siège social, plateforme technique" est suffisamment précis.

Rappelons que depuis la loi de sécurisation de l’emploi de 2013, en cas de licenciement collectif pour motif économique, l’accord sur le PSE peut définir un périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements à un niveau inférieur à l’entreprise. À défaut d’accord, la loi Macron du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a précisé que l’employeur peut réduire ce périmètre au niveau de "chaque zone d’emploi dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l’entreprise concernés par les suppressions d’emploi". Un projet de décret prévoit que "les zones d’emploi à prendre en compte sont celles issues de l’atlas des zones d’emploi défini conjointement par la Dares et par l’Insee".

(Cass. soc. 14 octobre 2015 n°14-14.339)

Plan de Sauvegarde de l’Emploi

Le Conseil d’Etat a rendu le 21 octobre 2015 3 nouvelles décisions en matière de PSE.

  • Il juge tout d’abord que lorsque les élus ont été privés du droit de recourir à une mesure d’expertise-comptable financée par l’employeur, la procédure d’information et de consultation doit être considérée comme irrégulière, faute pour les représentants du personnel d’avoir pu rendre un avis en toute connaissance de cause. Cette irrégularité doit en principe déboucher sur un refus d’homologation/validation du PSE. Pour le Conseil d’Etat, la décision d’homologation du PSE est néanmoins valide si l’expert, qui a finalement été désigné par les élus à leurs frais, a pu accéder à l’ensemble des documents nécessaires à sa mission. De plus, le Conseil d’Etat confirme que la présence de l’avocat n’entache par la régularité de la consultation, dès lors qu’il n’est ni établi ni même allégué qu’elle ait pu exercer une influence sur les élus.
  • Le Conseil d’Etat approuve ensuite la Cour d’appel de Lyon qui, "tout en relevant que l'expert-comptable n'avait pas eu accès à l'intégralité des documents dont il avait demandé la communication, a estimé, par une appréciation souveraine qui n'est pas entachée de dénaturation, que les conditions dans lesquelles il avait accompli sa mission avaient néanmoins permis au comité d'entreprise de disposer de tous les éléments utiles pour formuler ses avis en toute connaissance de cause ; (...) elle a pu, dès lors, sans entacher sa décision d'erreur de droit, juger que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise avait été conduite de manière régulière".
  • Enfin, pour le Conseil d’Etat, la mise en place d’une instance temporaire de coordination des CHSCT ne dispense pas de la consultation des CHSCT locaux, y compris lorsque cette instance a, elle-même, émis un avis ; selon le Conseil d'Etat, cette irrégularité devait faire obstacle à la validation de l’accord collectif majoritaire.

(CE, 21 octobre 2015, n°382633)
(CE, 21 octobre 2015, n°385683)
(CE, 21 octobre 2015, n°386123)