Cinq ans après la loi Warsmann de 2012 dite de « simplification du droit », qui a introduit en partie les stipulations de l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 sur le télétravail dans le Code du travail, l’ordonnance n° 2017-1387 relative à « la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail » apporte d’importantes modifications au régime juridique du télétravail. Plusieurs de ces mesures s’inspirent des pistes proposées par le rapport conjoint sur le « développement du télétravail et du travail à distance » remis par les partenaires sociaux le 7 juin 2017 à la ministre du Travail.
Le principal changement apporté par l'ordonnance réside dans le fait que les nouvelles dispositions appréhendent désormais le télétravail occasionnel jusqu’alors non envisagé par les dispositions légales relatives au télétravail qui ne visaient que le télétravail régulier.
Le télétravail régulier – Le nouveau texte modifie les conditions de mise en œuvre du télétravail régulier. En effet, alors que le recours au télétravail était auparavant défini dans le cadre d’un contrat de travail ou d’un avenant à celui-ci, le télétravail régulier doit désormais être mis en place dans le cadre d’un accord collectif, ou à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique ou, le cas échéant, du CE et CHSCT et, à défaut, des DP. Les entreprises qui souhaitent mettre en œuvre le télétravail régulier, lorsqu’elles sont dotées d’organisations syndicales représentatives, devront donc, dans un premier temps, engager une négociation sur ce point. Dans le cas où elles ne parviendraient pas à la conclusion d’un accord collectif, elles pourront établir une charte pour procéder à la mise en place du télétravail.
Il en résulte qu’en l’absence d’accord collectif ou de charte sur le télétravail dans l’entreprise, il n’est en principe pas possible de recourir au télétravail, sauf dans le cadre du télétravail occasionnel.
Pour déterminer les mentions qui doivent figurer dans l’accord collectif ou dans la charte, l’ordonnance reprend pour l’essentiel les mentions qui devaient auparavant être précisées dans le contrat de travail ou dans l’avenant à celui-ci. Ainsi, l’accord collectif ou la charte doit prévoir a minima :
- les conditions de passage en télétravail et de retour à une activité sans télétravail ;
- les modalités d’acceptation du salarié ;
- les modalités de contrôle du temps et de la charge de travail ;
- la détermination des plages horaires habituelles pour contacter le télétravailleur.
À cet égard, on peut noter que les nouvelles dispositions n’exigent plus la conclusion d’un avenant au contrat de travail pour mettre en place le télétravail, ni la réalisation d’un entretien annuel portant sur la charge de travail, ni, enfin, la prise en charge par l’employeur de tous les coûts liés au télétravail. Ces obligations résultant cependant toutes trois de l’accord national interprofessionnel sur le télétravail du 19 juillet 2005, il semble qu’il y ait lieu de considérer que les entreprises entrant dans son champ d’application demeurent tenues de les respecter.
Télétravail occasionnel – Pour la première fois, l’ordonnance donne un cadre juridique au télétravail occasionnel, sans pour autant le définir. Il semblerait qu’il s’agisse d’un télétravail temporaire mis en place pour répondre à des situations particulières « notamment concernant les personnes en situation de handicap ou les salariées enceintes ». Lorsque le recours au télétravail est occasionnel, un simple accord entre l’employeur et le salarié suffit. Cet accord peut être formalisé par « tout moyen ». En tout état de cause, il sera important d’être en mesure d’en rapporter la preuve.
Motivation du refus de l’employeur d’accorder le télétravail – L’employeur peut toujours refuser une demande de télétravail, y compris en présence d’un accord collectif ou d’une charte. Toutefois, en présence d’un tel accord ou d’une telle charte, l’employeur, qui refuse d’accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui occupe un poste éligible à ce mode d’organisation dans les conditions prévues, devra motiver sa réponse. Il conviendra donc de s’assurer que ce refus est justifié par des arguments objectifs et qu’il n’est ni discriminatoire ni abusif. Un refus insuffisamment ou mal motivé pourrait en effet être source de contentieux. Dans ces conditions, il est fortement recommandé d’indiquer dans l’accord ou la charte encadrant le recours au télétravail des exemples d’éléments objectifs susceptibles de justifier un refus du passage au télétravail.
Présomption d’accident du travail – Le texte consacre une présomption d’accident de travail lorsque l’accident est survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur. Le salarié sera donc pris en charge dans les mêmes conditions que s’il avait été victime de l’accident dans les locaux de l’entreprise, à charge pour l’employeur de combattre cette présomption, s’il estime que l’accident a été provoqué par une cause étrangère au travail. Il s’agit là d’une simple clarification dans la mesure où les télétravailleurs bénéficiaient déjà de cette présomption.
Prise en charge des coûts du télétravail – L’ordonnance supprime l’obligation pour l’employeur de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, en particulier ceux liés aux matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que les coûts liés à la maintenance de ceux-ci.
À notre sens, cette suppression ne signifie pas pour autant que ces frais doivent désormais être supportés par les salariés.
En effet, non seulement les entreprises relevant de l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 sur le télétravail semblent devoir continuer à prendre en charge ces coûts directs en application de l’article 7 de cet accord mais une jurisprudence constante fait obligation à l’employeur de prendre en charge les frais exposés par les salariés pour l’exercice de leur activité (Cass. soc., 25 février 1998, n° 95-44.096 ; Cass. soc., 25 mars 2010, n° 08-43.156). L’accord collectif ou la charte peut cependant déterminer librement les modalités de prise en charge de ces coûts et, notamment, prévoir des remboursements sur la base de forfaits. Il est probable que les partenaires sociaux se saisiront de cette question dans le cadre de la négociation de l’accord relatif à la mise en place du télétravail.
Entrée en vigueur – Ces dispositions s’appliquent depuis le 24 septembre 2017, au lendemain de la publication de l’ordonnance au Journal officiel.
En outre, l’ordonnance prévoit dans ses dispositions transitoires que, pour les salariés dont le contrat de travail, conclu antérieurement à la publication de l’ordonnance, contient des stipulations relatives au télétravail, les stipulations ou dispositions de l’accord conclu ou de la charte élaborée en application de l’ordonnance se substituent, s’il y a lieu, aux stipulations contraires ou incompatibles du contrat de travail. En cas de refus du salarié, celui-ci doit faire connaître sa décision à l’employeur dans le délai d’un mois à compter de la date à laquelle l’accord ou la charte a été communiqué dans l’entreprise. Le texte ne précise pas, en revanche, les conséquences d’un tel refus. Il y a donc lieu de considérer que le salarié pourra dans un tel cas poursuivre l’exécution de son contrat de travail dans les conditions initiales.
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