En date du 20 décembre 2019, la décision de la Commission européenne d’ouvrir la procédure formelle d’examen concernant une aide de 9 millions EUR de la Région de Valence à Air Nostrum pour le renouvellement de sa flotte, soit l’acquisition de 10 Bombardier CRJ1000, a été publiée au Journal Officiel de l’UE (SA.50707). La Commission doute que cette aide soit conforme à la règlementation européenne en matière d’aides d’Etat.
La mesure en question vise à soutenir le renouvellement de la flotte par l’acquisition d’avions supplémentaires plus respectueux de l’environnement. 3 millions EUR ont déjà été accordés en 2018, un budget de 6 millions EUR est prévu pour la période 2019-2020.
A cet égard, l’Espagne est d’avis que cette mesure respecte les règles de protection environnementale énoncées dans le Règlement Général d’exemption par catégories (ci-après «RGEC») et qu’elle ne doit dès lors pas faire l’objet d’une notification préalable à la Commission en vue de son autorisation formelle.
Les règles prévues par le RGEC et reprises dans les lignes directrices concernant les aides d’Etat à la protection de l’environnement et à l’énergie pour les aides dépassant les seuils de notification permettent en effet aux États membres de soutenir des mesures ayant une incidence positive sur l’environnement, à la condition que certaines conditions soient respectées:
- l’aide doit permettre au bénéficiaire d’augmenter le niveau de protection de l’environnement découlant de ses activités ;
- l’aide doit avoir un « effet incitatif » réel, c’est-à-dire qu’elle doit véritablement encourager le bénéficiaire à investir dans une solution plus respectueuse de l’environnement ;
- l’aide doit être limitée au minimum nécessaire pour inciter l’entreprise à investir dans des solutions plus respectueuses de l’environnement ;
- l’aide ne doit pas avoir d’effets négatifs non désirés en termes de concurrence sur le marché.
Or, en l’espèce, la Commission doute que l’ensemble de ces conditions soient remplies.
- Concernant l’effet incitatif, la Commission observe qu’Air Nostrum avait déjà entamé le renouvellement de sa flotte avant 2017, et ce, sans aide publique. La décision d’investir dans cette flotte ne résulterait ainsi pas directement de l’aide publique.
- Par ailleurs, et dans la mesure où le RGEC ne s’applique qu’aux mesures visant à soutenir les investissements réalisés par la compagnie aérienne bénéficiaire, la Commission doute à ce stade que le type de leasing utilisé par Air Nostrum remplisse cette condition (pour qu’un crédit-bail constitue un investissement, le contrat doit prévoir l’obligation – et non la possibilité – d’acheter l’avion en question).
Bien que la Commission soutienne en principe ce type d’initiative, elle considère toutefois que la décision d’une compagnie aérienne d’investir dans une flotte plus respectueuse de l’environnement peut être motivée par l’octroi d’une aide d’État, mais aussi par d’autres facteurs, comme par exemple le fait que les avions économes en carburant réduisent également ses coûts d’exploitation.
Or, l’octroi d’une aide publique à une grande entreprise qui aurait tout de même investi dans des avions plus récents et plus écologiques a, selon la Commission, pour seul effet de réduire ses frais de fonctionnement ordinaires, au détriment de ses concurrents qui doivent les supporter sans aide.
L’enquête approfondie permettra de déterminer si de tels doutes sont ou non fondés.
La décision a été envoyée à l’Etat espagnol qui a pu faire valoir ses observations sur la position de la Commission.
Parla publication de cette décision au JO, la Commission européenne invite les tiers intéressés (Air Nostrum, la Région de Valence, etc.) à lui soumettre leurs observations jusqu’au 20 janvier 2020 pour faire valoir leur position. Leurs observations seront ensuite envoyées à l’Etat espagnol qui aura l’occasion de les commenter. Ensuite, la Commission européenne devrait disposer de toutes les informations avant d’adopter une décision finale dans cette affaire. Si elle conclut à l’existence d’une aide illégale et incompatible avec le marché commun, la compagnie devra rembourser le montant déjà versé, augmenté d’intérêts.
La problématique du développement durable fait l’objet de nombreux débats dans le secteur aérien et les règles européennes actuelles ne sont sans doute plus adaptées à l’ampleur et à l’urgence des enjeux. Relevons à ce sujet que les Lignes directrices sur les aides d’Etat aux aéroports et aux compagnies aériennes de 2014 ont fait l’objet d’une consultation l’été passé. Si la problématique de la protection de l’environnement n’était pas explicitement mentionnée dans cette consultation, ce débat est bien entendu intégré dans la possible révision des règles européennes applicables à ce secteur.
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