Nouvelle fiscalité des SCI françaises : quels impacts pour les résidents suisses ?
Les Sociétés Civiles Immobilières (SCI) sont des entités juridiques utilisées pour la gestion et la détention de biens immobiliers, réputées être un moyen efficace d'investir dans l'immobilier en France. De nombreux résidents suisses choisissent d'acquérir des biens en France à travers ces SCI. Historiquement, le traitement fiscal des SCI pouvait varier d'un canton suisse à l'autre, mais il était généralement favorable, surtout dans les cantons romands. Cependant, deux arrêts importants du Tribunal fédéral en décembre 2022 et en juin 2024 ont remis en question ce traitement fiscal, notamment pour les SCI destinées à un usage personnel. Par conséquent, il est désormais essentiel d'explorer attentivement les implications fiscales avant de décider d'utiliser une SCI pour la détention de biens immobiliers.
En substance, le 13 décembre 2022, le Tribunal fédéral suisse a prononcé un premier arrêt dans la matière (2C_365/2021). La décision concernait le traitement d’une SCI française du point de vue de l’impôt sur la fortune. L’arrêt a fait beaucoup parler de lui. Notre Haute Cour a décidé que les SCI devaient être traitées comme fiscalement opaques du point de vue suisse, et cela, indépendamment de leur traitement fiscal en France. Elle a également décidé qu’en l’absence d’une imposition en France, la convention contre les doubles impositions conclue entre la Suisse et la France (CDI CH-FR) n’empêche pas une imposition des parts de la SCI en Suisse.
Cette décision a créé une certaine incertitude concernant le traitement fiscal suisse des SCI. Plusieurs auteurs se sont exprimés sur la question dans des articles et certaines administrations ont pris position dans le sens de considérer que les principes dégagés par le Tribunal fédéral n’étaient pas applicables en matière d’imposition sur le revenu.
Le 5 juin 2024, le Tribunal fédéral vient de rendre une décision qui clarifie ces questions (9C_409/2024). L’arrêt concerne un groupement foncier agricole (GAF), mais devrait également s’appliquer aux SCI françaises.
Notre Haute Cour a repris les principes dégagés lors de l’arrêt de décembre 2012 et les a appliqués aussi en matière d’impôt sur le revenu. Elle a conclu qu’il convient d’effectuer un examen en deux étapes : (i) d’abord, il faut déterminer le traitement fiscal de la SCI selon le droit interne suisse et, ensuite (ii) vérifier si la CDI CH-FR permet à la Suisse de faire usage d’un éventuel droit d’imposition.
Sur la base de cette méthode d’analyse, le Tribunal fédéral est arrivé à la conclusion que les SCI françaises sont fiscalement opaques d’un point de vue suisse et cela indépendamment de leur traitement fiscal en France. Il a ensuite constaté qu’en l’absence de la preuve d’une imposition effective en France, la Suisse peut faire usage de son droit (interne) d’imposition et cela aussi bien en matière d’impôt sur la fortune que d’impôt sur le revenu.
Cet arrêt lève les incertitudes concernant le traitement fiscal des SCI françaises en matière d’impôt sur le revenu, mais pose de nombreux problèmes pratiques. Ces difficultés sont essentiellement liées à la qualification différente des SCI en Suisse (opaques) et en France (translucides) et au fait que la convention contre les doubles impositions n’empêche une double imposition qu’en cas d’imposition effective en France.
Ainsi, par exemple, il se pose la question de savoir comment traiter les SCI translucides qui détiennent des biens immobiliers destinés à usage propre. En France, l’usage propre n’est pas imposé et ne pose pas de problèmes particuliers. Cela dit, si on suit la logique du Tribunal fédéral, la Suisse pourrait constater l’existence d’un loyer insuffisant. Ce dernier constitue une prestation appréciable en argent de la SCI à ses associés. Une telle prestation est imposable dans le chef des associés résidant en Suisse. La CDI FR-CH ne devrait pas faire obstacle à l’imposition de ce revenu puisque, selon la convention, la Suisse n'est tenue d'éviter la double imposition que si le revenu en question a fait l’objet d’une imposition en France. Or cela n’est justement pas le cas, puisque la France n’impose pas l’usage propre au titre de l’impôt sur le revenu. La taxe d’habitation, prélevée sur les résidences secondaires, n’est pas couverte par la CDI CH-FR et ne sera vraisemblablement pas considérée comme une imposition “du revenu” : vraisemblablement, son prélèvement ne sera donc pas suffisant pour empêcher une imposition en Suisse. Dans un tel cas, l’utilisation d’une SCI est inefficace.
Les arrêts du Tribunal fédéral de décembre 2022 et juin 2024 devraient conduire à repenser en profondeur l’intérêt de continuer à détenir certains biens immobiliers par le biais de SCI. Dans l’immédiat, ils posent également la question de comment traiter ces biens dans les prochaines déclarations fiscales.
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