1. L’assistance d’un expert technique est souvent cruciale pour les assureurs lors de l’examen d’une réclamation. De tels documents d’expertise ne sont généralement pas partagés avec l’assuré et/ou le bénéficiaire de la police. En effet, les rapports peuvent contenir des constatations ou des interprétations qui pourraient nuire à la position de couverture que l’assureur souhaite adopter à l’égard de l’assuré et/ou du bénéficiaire. C’est pourquoi les assureurs adoptent régulièrement la position selon laquelle les documents rédigés par l’expert qu’ils ont désigné sont confidentiels. Cette position a toutefois été remise en cause par une jurisprudence récente.
2. Dans une affaire récente devant le tribunal de l’entreprise d’Anvers, division de Tongres, un locataire a tenté de réclamer directement à l’assureur incendie de son bailleur le dédommagement des dommages subis à la suite d’un incendie. Le locataire faisait valoir que l’assureur devait la couverture sur la base du contrat d’assurance incendie, bien qu’il n’ait lui-même pas connaissance de la police en question. À titre subsidiaire, le locataire a sollicité la production des pièces pertinentes afin de pouvoir évaluer plus avant le litige. Selon le locataire, les pièces pertinentes étaient, d’une part, la police d’assurance, et d’autre part, les rapports de l’expert incendie désigné.
L’assureur incendie s’est opposé à la production de ces pièces en invoquant leur caractère confidentiel. Dans son jugement du 6 mars 2024, le tribunal a toutefois rejeté cet argument.
En ce qui concerne la production de la police d’assurance, le tribunal s’est référé à l’article 78 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances. Sur la base de cet article, tout bénéficiaire qui a droit à la couverture d’une assurance à titre onéreux a le droit d’obtenir de la part du preneur d’assurance ou de l’assureur la communication des conditions de la couverture. En outre, le tribunal a estimé que la production de la police d’assurance était nécessaire pour vérifier avec certitude la couverture prévue par la police. L’assureur incendie a donc été contraint de produire les conditions générales et particulières de la police d’assurance.
La décision imposant la production obligatoire de la police ne surprendra guère, étant donné la base légale spécifique qui la sous-tend. En revanche, il n’existe pas de disposition légale similaire pour la production des documents d’expertise de l’expert désigné.
Pourtant, le tribunal a ordonné à l’assureur de produire également les rapports, photos et tous autres documents de l’expert incendie contenant des constatations sur la cause de l’incendie. De plus, l’assureur devait également produire la correspondance avec son expert incendie concernant un point précis du dommage.
Le tribunal a jugé que ces pièces étaient cruciales pour pouvoir statuer sur le litige, et a invoqué l’obligation de collaboration de l’article 8.4 du Code civil pour motiver la production. L’article 8.4 du Code civil est la codification d’une jurisprudence constante selon laquelle chaque partie est tenue de collaborer à l’administration de la preuve. Le tribunal a expressément rejeté le caractère confidentiel des documents d’expertise.
3. À l’avenir, les assurés et les bénéficiaires pourront se prévaloir de l’article 8.4 du Code civil et de ce jugement du 6 mars 2024 pour demander l’accès aux documents relatifs à l’examen de la réclamation. Dès qu’une partie peut rendre plausible que certains documents sont pertinents pour l’évaluation du litige, la voie semble ouverte à leur production sur la base de l’article 8.4 du Code civil.
L’impact de ce jugement sur les assureurs n’est pas négligeable. L’obligation de collaboration de l’article 8.4 du Code civil s’applique en effet également en dehors d’une procédure judiciaire, c’est-à-dire que les assureurs sont en principe tenus de transmettre de tels documents à la demande de l’assuré ou du bénéficiaire, et ce même sans injonction judiciaire. En outre, nous estimons que le champ d’application de cette jurisprudence ne se limite pas aux polices incendie, mais que ces principes peuvent s’appliquer à tous types de polices.
4. Un avertissement clair aux assureurs s’impose donc : il devient de plus en plus probable que les rapports internes de l’expert devront être partagés avec l’assuré et/ou le bénéficiaire de la police. La question se pose donc de savoir si l’expert d’assurance peut et/ou doit encore rapporter de manière objective et complète, ou bien si une certaine censure des documents d’expertise n’est pas souhaitable afin de préserver la position de couverture de l’assureur.
L’équipe assurance de CMS suit de près ces évolutions et se tient à disposition pour toute explication, question ou assistance complémentaire.
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