La Belgique prévoit une nouvelle taxe sur les structures patrimoniales faiblement imposées : la Taxe Caïman

Belgique
Available languages: EN

Ce jeudi 21 mai 2015, le conseil des ministres a approuvé l’avant-projet de loi-programme contenant une série de mesures fiscales, dont la « Taxe Caïman ». La Belgique a donc décidé de suivre l’exemple des Pays-Bas et de s’attaquer aux revenus perçus par l’intermédiaire de structures patrimoniales faiblement imposées.

Faisant suite à la loi du 30 juillet 2013 instaurant une obligation de déclaration des constructions juridiques dans lesquelles le contribuable à des participations, cette nouvelle taxe (i.e. « Taxe Caïman ») aura pour objectif d’instaurer une fiction de transparence fiscale afin d’empêcher qu’une imposition normale ne soit contournée par l’intermédiaire d’une structure patrimoniale.

Ainsi, les revenus perçus à partir du 1er janvier 2015 par de telles constructions juridiques seront taxés comme si ces revenus avaient été perçus directement par leurs fondateurs ou bénéficiaires. Seront toutefois uniquement visées comme « fondateur ou bénéficiaires», les personnes privées belges et les personnes morales belges assujetties à l’impôt des personnes morales. En outre, la fiction d’imposabilité ne s’appliquera pas lorsque « les revenus perçus par la construction juridique auront été payés ou attribués à un bénéficiaire autre pour autant qu’il soit résident d’un Etat membre de l’EEE, d’un Etat avec lequel la Belgique a conclu une convention préventive de la double imposition prévoyant l’échange d’informations en matière d’impôts sur les revenus ou avec lequel la Belgique a conclu un accord en vue de l’échange de renseignement en matière fiscale ».

Pour déterminer quelles structures ou « constructions juridiques » seront visées par cette nouvelle taxe, il conviendra de se référer à l’article 2, §1, 13°, a et b du CIR/92. Ainsi deux catégories peuvent être distinguées : La première qui reprend les Trusts sans personnalité juridique ainsi que les fondations et la deuxième catégorie qui concerne les personnes morales imposées faiblement ou pas du tout. Dans le cadre du projet de loi sur la Taxe Caïman, la définition donnée par la deuxième catégorie sera modifiée et comprendra « toute société, association, établissement, organisme ou entité quelconque, qui possède la personnalité juridique et qui, en vertu des dispositions de la législation de l’Etat ou de la juridiction où il est établi, soit, n’est pas soumis à un impôt sur les revenus ou, soit, y est soumis à un régime de taxation notablement plus avantageux qu’en Belgique ».

A ce titre trois remarques s’avèrent nécessaires :

  • Le régime de taxation sera considéré comme « notablement plus avantageux » dès lors que l’imposition sera inférieure à 15%.
  • Tous les revenus seront visés. Par conséquent, la qualification de « construction juridique » pourrait varier entre les différents exercices d’impositions.
  • La taxe sera due tant sur les revenus recueillis que sur les distributions effectuées par la construction juridique.

Seront toutefois exclues de la qualification de « constructions juridiques », les formes juridiques établies dans un Etat ou une juridiction faisant partie de l’EEE. En outre, il en ira de même pour les sociétés cotées en bourse, les fonds de pension, les fonds de gestion des participations des travailleurs, les organismes de placement collectif (OPC) et organismes de placement collectif alternatifs (OPCA) publics ou institutionnels. Un Arrêté Royal sera par ailleurs adopté afin d’établir deux listes reprenant les constructions juridiques situées dans l’espace économique européen et non situées dans l’EEE qui seront présumées tomber dans le champ d’application de la taxe Caïman.



Il sera néanmoins possible pour le contribuable d’éviter la Taxe Caïman. En effet, le fondateur aura la possibilité de démontrer que la construction juridique est bien soumise à une imposition suffisante, i.e. d’au moins 15% (preuve qui devra être renouvelée annuellement). Pour ce faire, le projet d’exposé des motifs explique qu’il faudra, dans un premier temps, déterminer si la construction juridique aurait été soumise à une imposition en Belgique, si elle avait été résidente belge. Dans un deuxième temps, la base imposable devra être établie conformément au droit belge. A ce titre, il faudra tenir compte, à l’impôt des sociétés, de la déduction pour revenus de brevets, des frais professionnels déductibles, des pertes reportées, de la déduction RDT,… Enfin, il faudra calculer le rapport entre l’impôt effectivement dû et la base imposable déterminée selon les règles belges. Si ce rapport dépasse les 15%, la « Taxe Caïman » ne s’appliquera pas.



Dès lors, bien qu’il ne s’agisse, à l’heure actuelle, que d’un avant-projet de loi-programme, les principales lignes de conduite de la future taxe sont déjà dressées et il y a fort à croire que cette nouvelle taxe entrainera, comme au Pays-Bas, un démantèlement massif des structures patrimoniales privées. Toutefois, à toutes fins utiles, le législateur n’a pas manqué se doter d’une disposition anti-abus afin de se prémunir face à ceux qui envisageraient de liquider ou de modifier leur structure avant l’entrée en vigueur effective de la loi.